Introduction : Contexte et positionnement d’OpenAI AgentKit
L’automatisation des processus métiers connaît une accélération significative depuis l’émergence des modèles de langage avancés. Dans ce contexte en rapide évolution, OpenAI a lancé en 2025 AgentKit, une plateforme accessible via platform.openai.com qui vise à simplifier la création de workflows automatisés intégrant des capacités d’intelligence artificielle conversationnelle.
Cette solution s’inscrit dans un marché déjà mature de l’automatisation, dominé par des acteurs établis comme Zapier, Make (anciennement Integromat), n8n ou encore Microsoft Power Automate. La promesse d’AgentKit réside dans l’intégration native de capacités d’IA générative au sein même de l’orchestration des workflows, évitant ainsi la multiplication des connecteurs et des plateformes tierces.
Toutefois, au-delà du discours marketing, il convient d’analyser objectivement les capacités réelles de l’outil, ses avantages concrets, mais également ses limitations techniques et économiques. Cette analyse détaillée vise à fournir aux décideurs techniques et métiers les éléments nécessaires pour évaluer la pertinence d’AgentKit dans leur contexte spécifique.
Qu’est-ce qu’OpenAI AgentKit ? Définition et périmètre fonctionnel
Architecture et principes de fonctionnement
OpenAI AgentKit est une plateforme d’orchestration qui combine trois composantes principales : un moteur d’intelligence artificielle conversationnelle basé sur les modèles GPT d’OpenAI, un système d’orchestration de workflows avec interface visuelle, et une couche de connecteurs permettant l’intégration avec des services tiers.
L’architecture repose sur le concept d’agents IA autonomes capables d’exécuter des tâches séquentielles ou parallèles selon des règles définies par l’utilisateur. Ces agents peuvent interpréter du langage naturel, prendre des décisions basées sur des conditions logiques, et interagir avec des APIs externes pour récupérer ou transmettre des données.
Contrairement aux systèmes d’automatisation traditionnels qui fonctionnent uniquement sur des déclencheurs et actions prédéfinis, AgentKit introduit une dimension « intelligente » où l’agent peut adapter son comportement selon le contexte, interpréter des instructions ambiguës, et même générer du contenu original (texte, résumés, traductions) dans le flux du workflow.
Fonctionnalités principales disponibles
La plateforme propose plusieurs catégories de fonctionnalités. Premièrement, les capacités conversationnelles permettent de créer des assistants capables de comprendre et répondre en langage naturel, avec la possibilité de maintenir un contexte conversationnel sur plusieurs échanges. Ces assistants peuvent être déployés sur différents canaux (web, messagerie, API).
Deuxièmement, l’orchestration multi-agents offre la possibilité de créer plusieurs agents spécialisés qui collaborent pour accomplir des tâches complexes. Par exemple, un agent peut être dédié à la qualification des demandes clients, un autre à la recherche d’informations dans une base de connaissances, et un troisième à la génération de réponses personnalisées.
Troisièmement, le système de guardrails (garde-fous) intégré permet de définir des règles de sécurité et de conformité qui s’appliquent automatiquement à tous les flux de données. Ces mécanismes peuvent filtrer des informations sensibles, bloquer des tentatives de manipulation de l’agent (jailbreak), ou modérer le contenu généré pour respecter des politiques d’usage.
Quatrièmement, l’intégration avec l’écosystème OpenAI et les services tiers via le protocole MCP (Model Context Protocol) et le Connector Registry facilite la connexion avec des dizaines d’applications métiers courantes.
Positionnement par rapport aux alternatives du marché
Pour comprendre la valeur ajoutée réelle d’AgentKit, il est essentiel de le comparer aux solutions existantes. Zapier et Make excellent dans l’automatisation de tâches répétitives entre applications, avec des milliers de connecteurs disponibles et une fiabilité éprouvée. Cependant, ces outils n’intègrent pas nativement de capacités d’IA générative avancées. L’ajout d’intelligence artificielle nécessite généralement de passer par des connecteurs vers des APIs tierces, ce qui complexifie la configuration et augmente les coûts.
N8n, solution open-source populaire, offre une flexibilité maximale et permet un contrôle total sur l’infrastructure et les données. Néanmoins, son utilisation requiert des compétences techniques significatives et l’intégration d’IA nécessite également des développements spécifiques.
Microsoft Power Automate s’intègre naturellement dans les environnements Microsoft 365 et Azure, avec des capacités d’IA via Azure Cognitive Services. Son principal avantage réside dans cette intégration native avec l’écosystème Microsoft, mais sa courbe d’apprentissage peut être abrupte et ses coûts rapidement élevés en entreprise.
AgentKit se positionne donc comme une solution intermédiaire : plus accessible que n8n pour les non-développeurs, plus orientée IA que Zapier, mais créant une dépendance forte à l’écosystème OpenAI. Cette dépendance représente à la fois un avantage (intégration fluide avec les modèles GPT) et un risque (vendor lock-in, évolution des tarifs).
Interface et processus de création de workflows
Le système d’édition visuelle drag and drop
L’interface d’AgentKit adopte une approche par blocs visuels, similaire à ce que proposent les plateformes no-code modernes. L’utilisateur dispose d’une bibliothèque de nœuds représentant différents types d’actions : déclencheurs (triggers), actions d’API, transformations de données, décisions conditionnelles, et agents IA.
La création d’un workflow commence par la sélection d’un déclencheur, qui peut être un événement externe (réception d’un email, webhook entrant, message dans un canal Slack), un horaire planifié, ou une invocation manuelle. Ensuite, l’utilisateur glisse et dépose des nœuds d’action qu’il connecte visuellement pour définir le flux d’exécution.
Chaque nœud dispose de paramètres configurables via des formulaires. Par exemple, un nœud « Agent IA » nécessite la définition du prompt système (instructions générales de comportement), des variables d’entrée (données à traiter), et des paramètres de sortie (format de réponse attendu). L’interface propose une prévisualisation en temps réel du comportement de l’agent avec des données de test, ce qui facilite l’ajustement des prompts.
Un aspect important de l’éditeur est la gestion des variables et du passage de données entre nœuds. Les sorties d’un nœud peuvent être mappées aux entrées d’un autre, permettant de construire des pipelines de traitement complexes. Cette fonctionnalité est essentielle mais peut devenir source de confusion lorsque les workflows atteignent une certaine complexité, notamment lorsque des transformations de format sont nécessaires entre des nœuds incompatibles.
Exemple détaillé : workflow d’analyse de contenus vidéo
Prenons un cas d’usage concret pour illustrer le processus de création. Une entreprise souhaite automatiser l’analyse de ses webinaires YouTube pour créer automatiquement des résumés thématiques et identifier les moments clés où certains sujets sont abordés.
Le workflow commence par un déclencheur planifié qui s’exécute quotidiennement. Le premier nœud d’action appelle l’API YouTube pour récupérer la liste des nouvelles vidéos publiées sur la chaîne. Pour chaque vidéo, un second nœud récupère la transcription automatique via l’API YouTube ou un service de transcription tiers comme AssemblyAI.
Une fois la transcription obtenue, elle est transmise à un nœud « Agent IA » configuré avec un prompt système spécifique : « Tu es un analyste de contenu spécialisé dans l’extraction d’informations. Ta tâche est d’identifier tous les passages où les concepts suivants sont mentionnés : intelligence artificielle, automatisation, productivité. Pour chaque passage identifié, fournis le timestamp, une citation directe, et un résumé de 2-3 phrases. »
L’agent traite la transcription et retourne un objet JSON structuré contenant les passages identifiés. Un nœud de transformation formate ensuite ces données en un document Markdown lisible, avec des liens directs vers les timestamps de la vidéo.
Un nœud conditionnel vérifie si au moins trois passages pertinents ont été identifiés. Si c’est le cas, le workflow envoie le résumé par email à l’équipe marketing. Si moins de trois passages sont trouvés, le workflow se termine silencieusement sans notification.
Enfin, un dernier nœud enregistre les résultats dans une Google Sheet pour constituer une base de données consultable de tous les sujets abordés dans les vidéos.
Ce workflow, bien que relativement simple dans sa logique, illustre plusieurs capacités d’AgentKit : intégration d’APIs externes, traitement intelligent de texte, logique conditionnelle, et distribution multi-canal des résultats. Sa création via l’interface visuelle prend environ 30 à 45 minutes pour un utilisateur familier avec les concepts d’automatisation, contre plusieurs heures de développement si le même système devait être codé from scratch.
Gestion des logiques conditionnelles et des boucles
Au-delà des workflows linéaires, AgentKit permet de créer des logiques plus sophistiquées avec des branches conditionnelles et des boucles d’itération. Les branches conditionnelles permettent d’orienter le flux d’exécution selon des critères définis : valeur d’une variable, résultat d’une API, sentiment détecté dans un texte, etc.
Par exemple, dans un workflow de support client automatisé, un nœud conditionnel peut analyser le ton du message client (neutre, satisfait, mécontent, urgent) et router la conversation vers différents agents spécialisés. Un client mécontent sera immédiatement escaladé vers un agent humain, tandis qu’une question factuelle simple sera traitée entièrement par l’IA.
Les boucles d’itération sont particulièrement utiles pour traiter des collections de données. Si un workflow reçoit une liste de 50 documents à analyser, une boucle peut traiter chaque document séquentiellement, en appliquant le même ensemble d’actions à chacun. AgentKit gère automatiquement l’agrégation des résultats et permet de définir des conditions d’arrêt (nombre maximum d’itérations, timeout, condition métier).
Cependant, la gestion des erreurs dans ces structures complexes peut devenir problématique. Si une itération échoue au milieu d’une boucle de 100 éléments, le comportement par défaut est souvent d’arrêter l’ensemble du workflow. La configuration de stratégies de retry, de fallback, et de gestion granulaire des erreurs nécessite une attention particulière et n’est pas toujours intuitive via l’interface visuelle.
Écosystème d’intégrations et connecteurs disponibles
Le protocole MCP et le Connector Registry
OpenAI a développé le Model Context Protocol (MCP) comme standard d’intégration entre les agents IA et les services externes. Ce protocole définit comment un agent peut découvrir les capacités d’un service, authentifier les requêtes, et échanger des données de manière structurée.
Le Connector Registry est le catalogue centralisé de tous les connecteurs disponibles dans AgentKit. Au moment de la rédaction, il compte plusieurs dizaines d’intégrations natives couvrant les catégories suivantes : stockage cloud (Google Drive, Dropbox, OneDrive), communication (Gmail, Outlook, Slack, Teams), CRM (Salesforce, HubSpot), bases de données (PostgreSQL, MySQL, MongoDB), et services spécialisés (ElevenLabs pour la synthèse vocale, Stripe pour les paiements).
Chaque connecteur expose un ensemble d’actions standardisées. Par exemple, le connecteur Google Drive permet de lister des fichiers, rechercher par nom ou contenu, télécharger, uploader, créer des dossiers, et gérer les permissions. L’authentification se fait via OAuth2, avec un processus guidé où l’utilisateur autorise AgentKit à accéder à son compte Google.
Intégration via Zapier : avantages et limitations
Pour accéder à des milliers d’applications supplémentaires non couvertes par les connecteurs natifs, AgentKit propose une intégration avec Zapier. Cette approche offre une flexibilité considérable puisque Zapier supporte plus de 5000 applications.
Le fonctionnement est le suivant : un nœud « Zapier » dans AgentKit peut déclencher un Zap (workflow Zapier) ou recevoir des données depuis un Zap. Cela permet de combiner les capacités d’IA d’AgentKit avec la richesse de l’écosystème Zapier.
Cependant, cette intégration introduit plusieurs complexités. Premièrement, elle nécessite un compte Zapier actif, avec les coûts associés qui s’ajoutent à ceux d’AgentKit. Deuxièmement, elle ajoute une latence significative puisque les données doivent transiter par deux plateformes différentes. Troisièmement, le débogage devient plus difficile car les erreurs peuvent survenir sur l’une ou l’autre plateforme, voire dans la communication entre les deux.
En pratique, l’intégration via Zapier est pertinente pour des workflows non critiques où la latence supplémentaire (généralement quelques secondes) est acceptable, et où la simplicité de configuration compense les coûts additionnels.
Cas d’usage avancé : pipeline de synthèse vocale automatisée
Un exemple concret d’intégration multi-services illustre les possibilités et les défis. Une entreprise souhaite automatiser la création de podcasts internes à partir de ses rapports hebdomadaires.
Le workflow commence par la récupération d’un document Google Docs contenant le rapport hebdomadaire. Un agent IA lit le document et génère un script de podcast conversationnel, en transformant le style rédactionnel formel en un ton plus oral et engageant. L’agent ajoute des transitions, des introductions et conclusions, et structure le contenu en segments thématiques.
Ce script est ensuite envoyé à ElevenLabs via son connecteur natif pour générer l’audio avec une voix synthétique de qualité professionnelle. ElevenLabs propose plusieurs voix et permet de contrôler l’intonation, le rythme, et les pauses.
Le fichier audio généré est automatiquement uploadé sur un compte Dropbox dans un dossier dédié, et une notification est envoyée via Slack à l’équipe de communication avec un lien d’écoute et le script textuel pour validation.
Ce workflow, bien que fonctionnel, présente plusieurs points de friction. Le coût par exécution est significatif : consommation de tokens OpenAI pour la génération du script, coût ElevenLabs pour la synthèse vocale (facturé au nombre de caractères), stockage Dropbox, et overhead de coordination entre services. Pour un rapport de 3000 mots, le coût total peut atteindre 2 à 5 euros par exécution, selon les tarifs en vigueur.
De plus, la latence totale d’exécution est d’environ 3 à 5 minutes, principalement due à la génération audio qui est le goulet d’étranglement. Pour des besoins de production en masse, cette latence peut devenir problématique.
Sécurité, conformité et systèmes de guardrails
Architecture de sécurité et protection des données
La sécurité dans AgentKit repose sur plusieurs couches. La première concerne l’authentification et les autorisations : chaque workflow s’exécute avec des identifiants spécifiques qui déterminent les ressources accessibles. Les tokens d’authentification pour les services tiers sont chiffrés au repos et ne sont jamais exposés dans les logs ou les interfaces.
La seconde couche concerne le transit des données. Toutes les communications entre AgentKit et les services externes utilisent HTTPS avec TLS 1.3. Les données transitant par les agents IA sont traitées conformément aux politiques de confidentialité d’OpenAI, ce qui signifie qu’elles peuvent être utilisées pour améliorer les modèles sauf si l’organisation a négocié un contrat spécifique avec des garanties de non-utilisation.
La troisième couche, la plus distinctive, concerne les guardrails comportementaux. Ces mécanismes analysent en temps réel les entrées et sorties des agents IA pour détecter et bloquer des comportements indésirables.
Fonctionnement des guardrails en pratique
Les guardrails d’AgentKit s’articulent autour de plusieurs mécanismes. Le filtrage de contenu sensible utilise des modèles de classification pour détecter les informations personnelles (numéros de carte bancaire, numéros de sécurité sociale, adresses email, numéros de téléphone) dans les flux de données. Lorsque de telles informations sont détectées, plusieurs actions sont possibles : masquage automatique, remplacement par des placeholders, alerte à un superviseur, ou arrêt complet du workflow.
La détection de tentatives de jailbreak analyse les prompts utilisateurs pour identifier les patterns typiques de manipulation : demandes d’ignorer les instructions système, tentatives de faire générer du contenu prohibé, ou extraction d’informations sur le fonctionnement interne de l’agent. Ces tentatives sont bloquées et peuvent déclencher des alertes.
La modération de contenu généré applique des filtres sur les réponses produites par les agents IA pour s’assurer qu’elles respectent les politiques d’usage : pas de contenu haineux, violent, sexuellement explicite, ou promouvant des activités illégales. Ces filtres peuvent être configurés avec différents niveaux de sensibilité selon le contexte d’usage.
Dans un contexte de support client, ces guardrails permettent par exemple de s’assurer qu’un agent ne divulgue jamais d’informations confidentielles sur d’autres clients, ne génère pas de réponses inappropriées même face à des provocations, et ne traite pas de demandes sortant de son périmètre d’autorisation.
Conformité RGPD et réglementations sectorielles
Pour les organisations européennes, la conformité RGPD est un enjeu majeur. AgentKit propose plusieurs mécanismes pour faciliter cette conformité, mais ne la garantit pas automatiquement.
Le Data Processing Agreement (DPA) avec OpenAI définit les responsabilités de chaque partie concernant le traitement des données personnelles. Les organisations utilisant AgentKit restent responsables de s’assurer que les traitements effectués sont licites, transparents, et proportionnés.
Les fonctionnalités de data retention permettent de définir des durées de conservation pour les logs et les données traitées. Les workflows peuvent être configurés pour anonymiser ou supprimer automatiquement les données personnelles après une période définie.
Le registre des traitements peut être alimenté automatiquement via l’API d’AgentKit, facilitant la documentation des activités de traitement comme l’exige le RGPD.
Cependant, plusieurs aspects nécessitent une attention particulière. Les données transitant par les modèles OpenAI sont hébergées sur des infrastructures majoritairement américaines, ce qui soulève des questions de transfert de données hors UE. OpenAI propose des Standard Contractual Clauses (SCC), mais leur validité juridique peut être questionnée selon les évolutions réglementaires.
Pour des secteurs très réglementés (santé, finance, défense), l’utilisation d’AgentKit peut nécessiter des analyses d’impact sur la protection des données (AIPD) et des garanties contractuelles supplémentaires qui ne sont pas toujours disponibles dans les offres standards.
Limitations techniques et zones de vigilance
Instabilité et maturité relative de la plateforme
AgentKit étant un produit récent, il présente certaines instabilités que les organisations doivent anticiper. Les serveurs MCP gérant les connexions avec les services tiers connaissent des interruptions occasionnelles, généralement de courte durée mais pouvant impacter les workflows en production.
Les mises à jour fréquentes de la plateforme, bien qu’apportant régulièrement de nouvelles fonctionnalités, peuvent également introduire des régressions. Des workflows fonctionnant correctement peuvent soudainement échouer après une mise à jour, nécessitant des ajustements de configuration.
La documentation technique, bien que généralement complète, peine parfois à suivre le rythme des évolutions. Certaines fonctionnalités avancées sont documentées uniquement via des exemples dans la communauté ou nécessitent de contacter le support.
Performance et scalabilité
Les performances d’AgentKit varient considérablement selon la complexité des workflows et la charge des services sous-jacents. Un workflow simple impliquant uniquement des APIs rapides s’exécute généralement en quelques secondes. Cependant, dès qu’un agent IA est impliqué, la latence augmente significativement.
Un agent GPT-4 traitant un prompt de taille moyenne (1000 tokens) nécessite généralement 5 à 15 secondes pour générer une réponse complète. Cette latence est incompressible et dépend de la charge des serveurs OpenAI. Pour des workflows nécessitant plusieurs appels séquentiels à des agents IA, le temps total peut facilement atteindre plusieurs minutes.
La scalabilité horizontale n’est pas transparente. Si un workflow doit traiter 1000 éléments en parallèle, AgentKit n’offre pas nativement de mécanisme de queue distribué ou de load balancing. Les tentatives d’exécutions massives parallèles peuvent entraîner des rate limits sur les APIs tierces ou des dépassements de quotas OpenAI.
Coûts cachés et prévisibilité budgétaire
La tarification d’AgentKit combine plusieurs composantes qui peuvent rendre difficile la prévision des coûts réels. Outre l’abonnement à la plateforme AgentKit elle-même, chaque exécution de workflow consomme des tokens OpenAI facturés séparément selon le modèle utilisé (GPT-4 est significativement plus coûteux que GPT-3.5).
Les appels aux services tiers (ElevenLabs, services de transcription, APIs premium) s’ajoutent avec leurs propres structures tarifaires. Un workflow apparemment simple peut générer des coûts mensuels conséquents s’il s’exécute fréquemment sur de gros volumes de données.
La prévisibilité budgétaire nécessite donc une phase de monitoring approfondie en environnement de test pour mesurer la consommation réelle de ressources et extrapoler les coûts en production. Des mécanismes de budgets alerts peuvent être configurés pour éviter les mauvaises surprises.
Méthodologie de déploiement et bonnes pratiques
Phase d’évaluation et proof of concept
Avant tout déploiement significatif, une phase d’évaluation structurée est indispensable. Cette phase commence par l’identification de cas d’usage candidats qui présentent les caractéristiques suivantes : valeur métier clairement identifiable, complexité modérée, volume de données raisonnable, et criticité faible à moyenne.
Un bon premier cas d’usage pourrait être l’automatisation de la génération de rapports hebdomadaires à partir de données structurées, ou un assistant interne répondant aux questions fréquentes des employés sur les politiques RH. À l’inverse, un mauvais premier cas serait un système critique de prise de décision financière ou un dispositif médical automatisé.
Le proof of concept doit être développé avec des objectifs mesurables : délai de livraison, taux de réussite des exécutions, qualité des outputs générés (évaluée par des experts métier), et temps économisé par rapport au processus manuel. Une durée de 2 à 4 semaines est généralement appropriée pour cette phase.
Tests et assurance qualité
Les workflows AgentKit nécessitent une approche de test spécifique car ils combinent logique déterministe (appels d’API, transformations de données) et comportements probabilistes (génération de contenu par IA).
Les tests unitaires vérifient chaque nœud individuellement avec des données d’entrée contrôlées. Cela permet de valider que les appels d’API fonctionnent, que les transformations de format sont correctes, et que les conditions logiques se comportent comme prévu.
Les tests d’intégration exécutent le workflow complet de bout en bout avec différents scénarios : cas nominal, cas limites, données invalides, services indisponibles. L’objectif est de vérifier la robustesse du workflow face à des conditions réelles.
Les tests des outputs IA sont plus délicats car non déterministes. Une approche consiste à définir des critères de qualité objectifs (présence de certains éléments, respect d’un format, absence de contenus prohibés) et à exécuter le workflow multiple fois avec les mêmes entrées pour mesurer la consistance des résultats.
Monitoring et maintenance en production
Une fois déployé, un workflow AgentKit nécessite un monitoring continu. Les métriques clés à surveiller incluent le taux de réussite des exécutions, la latence moyenne, les coûts par exécution, et les alertes de sécurité déclenchées par les guardrails.
Des dashboards doivent être configurés pour visualiser ces métriques et identifier rapidement les dégradations de performance ou les anomalies. Des alertes automatiques peuvent être configurées pour des seuils critiques : taux d’échec supérieur à 5%, latence dépassant 2x la normale, coûts quotidiens dépassant le budget alloué.
La maintenance régulière inclut la revue des logs d’erreur, l’ajustement des prompts des agents IA si la qualité des outputs se dégrade, la mise à jour des connecteurs lors de changements d’API tierces, et l’optimisation des workflows pour réduire les coûts ou améliorer les performances.
Analyse comparative et aide à la décision
Quand AgentKit est un bon choix
AgentKit présente un intérêt réel pour certains profils d’organisations et de cas d’usage. Les startups et PME cherchant à automatiser rapidement des processus impliquant du traitement de langage naturel peuvent bénéficier de la rapidité de mise en œuvre et de l’intégration native avec les modèles GPT.
Les équipes métiers disposant de ressources techniques limitées mais souhaitant créer des prototypes d’automatisation trouvent dans l’interface no-code un outil accessible qui réduit la dépendance aux développeurs.
Les organisations déjà investies dans l’écosystème OpenAI pour d’autres usages peuvent consolider leurs outils et bénéficier d’une gestion unifiée des accès et des coûts.
Quand des alternatives sont préférables
Pour des organisations nécessitant un contrôle total sur l’infrastructure et les données, des solutions auto-hébergées comme n8n ou Prefect offrent une maîtrise complète, au prix d’une complexité technique supérieure.
Pour des besoins d’automatisation pure sans composante IA significative, Zapier ou Make restent plus matures, avec des connecteurs plus nombreux et une fiabilité éprouvée sur des millions d’exécutions quotidiennes.
Pour les environnements Microsoft 365, Power Automate offre une intégration native optimale qui justifie souvent la courbe d’apprentissage initiale.
Pour des systèmes critiques où la latence, la disponibilité et la prévisibilité sont essentielles, le développement d’une solution custom reste souvent la meilleure approche malgré l’investissement initial plus important.
Conclusion : une adoption réfléchie et progressive
OpenAI AgentKit représente une proposition intéressante dans le paysage de l’automatisation intelligente, avec des capacités d’IA conversationnelle nativement intégrées qui simplifient certains cas d’usage complexes. L’interface no-code rend accessibles des automatisations qui nécessiteraient traditionnellement des compétences en développement.
Cependant, l’outil présente des limitations réelles en termes de maturité, de performance, de coûts et de dépendance technologique qui doivent être soigneusement évaluées. Une adoption réussie passe par une phase de test approfondie sur des cas d’usage non critiques, une évaluation rigoureuse des coûts réels, et la mise en place de mécanismes de monitoring et de maintenance adaptés.
Les organisations doivent également anticiper les risques de vendor lock-in et évaluer leur tolérance à la dépendance envers l’écosystème OpenAI. Pour certains contextes, AgentKit sera un accélérateur précieux. Pour d’autres, des alternatives plus matures ou plus ouvertes resteront préférables. L’essentiel est d’aborder cette évaluation avec pragmatisme, en se concentrant sur les besoins réels plutôt que sur l’attrait de la nouveauté technologique.

